Les statines constituent une classe thérapeutique majeure pour réduire la concentration sanguine de cholestérol, en particulier le LDL-C, afin de diminuer la formation de plaques d’athérome et le risque cardiovasculaire.
Mécanisme d’action des statines
Les statines inhibent de manière compétitive la HMG-CoA réductase, enzyme clé de la synthèse du cholestérol dans le foie. La réduction du cholestérol intracellulaire favorise l'augmentation de l'expression du récepteur des LDL (LDLR) à la surface des hépatocytes. Les récepteurs LDL supplémentaires capturent ainsi davantage de LDL-C circulant dans le sang, permettant au foie de l'éliminer plus efficacement, entraînant une diminution des concentrations plasmatiques de LDL et d'autres lipoprotéines contenant de l'ApoB.
Effets des statines sur les lipides
Si les statines sont principalement utilisées pour réduire les niveaux de LDL-C, elles ont également un effet modeste sur d’autres types de lipides.
Effets sur le cholestérol LDL
Le degré de réduction du LDL-C dépend de la dose et varie entre les différentes statines. Un traitement d'intensité élevée est ainsi défini comme la dose de statine qui, en moyenne, réduit le LDL-C de ≥ 50%. Un traitement d'intensité modérée correspond à la dose qui devrait réduire le LDL-C de 30 à 50%. La réduction du LDL-C avec la même posologie chez plusieurs patients est soumise à une importante variation interindividuelle, justifiant la surveillance des réponses à l'initiation du traitement.
Effets sur les triglycérides
Les statines réduisent généralement les concentrations de triglycérides de 10 à 20% par rapport aux valeurs basales, avec des résultats très différents selon la molécule utilisée. Le mécanisme de la réduction des triglycérides par les statines n’est pas encore pleinement élucidé. Il semble partiellement indépendant de la voie du LDLR et pourrait impliquer l’augmentation de l'absorption des VLDL par les hépatocytes ainsi qu'une réduction de leur production.
Effets sur le cholestérol HDL
Selon les données actuelles de la littérature, les statines entraineraient une élévation du HDL-C de 1 à 10% en fonction des doses prescrites. Toutefois, compte tenu de la diminution marquée des lipoprotéines athérogènes contenant de l'ApoB induite par les statines, il est impossible de déterminer avec certitude dans quelle mesure l'effet très modeste sur le HDL-C pourrait contribuer à la réduction globale du risque cardiovasculaire.
Effets sur la lipoprotéine Lp(a)
Selon l’ESC/EAS, plusieurs études ont rapporté soit une absence d'effet des statines sur les concentrations de Lp(a), soit parfois une légère augmentation. Ces données doivent faire l'objet d'études plus approfondies.
Effets indésirables des statines
Bien que les statines soient généralement très bien tolérées, elles ont des effets indésirables spécifiques.
Effets indésirables sur les muscles
Les statines peuvent causer des troubles et lésions musculaires associés à une élévation de la créatine kinase et une perte de fonction. La rhabdomyolyse (1 à 3 cas par 100000 patients/années) est la forme la plus grave de lésion musculaire pouvant être induite par les statines. Elle se caractérise par une douleur musculaire sévère, une nécrose musculaire et une myoglobinurie pouvant conduire à une insuffisance rénale et au décès. Selon l’ESC/EAS, dans des études observationnelles non randomisées, les symptômes musculaires associés aux statines (douleurs, faiblesse, crampes) sans élévation de la créatine kinase ni perte fonctionnelle majeure touchent 10 à 15% des personnes traitées. En revanche, dans les essais randomisés en aveugle, la fréquence des symptômes musculaires n'est pas ou peu augmentée dans les groupes ayant reçu des statines. Ce contraste pourrait s’expliquer par un effet nocebo associé aux statines.
Effets indésirables sur le foie
Une légère élévation de l’alanine aminotransférase (ALAT) se produit chez 0,52 % des patients traités par statines, plus fréquemment avec des statines puissantes ou des doses élevées. Il n'a pas été démontré que cette légère élévation de l'ALAT était associée à une véritable hépatotoxicité ou à des modifications de la fonction hépatique. L'évolution vers une insuffisance hépatique étant extrêmement rare, la surveillance systématique de l'ALAT pendant le traitement par statines n'est plus recommandée.
Risque accru d'apparition d'un nouveau diabète de type 2
Les patients traités par statines présentent un risque accru d’hyperglycémie modérée et de développement d'un diabète de type 2. Plusieurs études ont montré qu'il s'agissait d'un effet constant et lié à la dose. Ce risque est plus élevé avec les statines les plus puissantes à des doses élevées. Il est également plus élevé chez les personnes âgées et en présence d'autres facteurs de risque de diabète tels que le surpoids ou l’insulino-résistance. Selon l’ESC/EAS, la réduction absolue du risque de maladie cardiovasculaire chez les patients à haut risque l'emporte nettement sur les effets négatifs possibles d'une légère augmentation de l'incidence du diabète.
Risque accru d'accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique
L’association entre traitement par statines, réduction du LDL-C et survenue d’AVC hémorragiques fait l’objet de résultats contradictoires dans différentes méta-analyses. Il est nécessaire d'explorer davantage le risque d'AVC hémorragique chez des types particuliers de patients. Il convient toutefois de noter que le bénéfice global des statines sur les autres sous-types d'AVC l'emporte largement sur ce risque faible et incertain.
Effets indésirables sur la fonction rénale
Il n'existe pas de preuves que les statines ont un effet bénéfique ou négatif cliniquement significatif sur la fonction rénale. Les statines peuvent induire une protéinurie d'origine tubulaire, généralement transitoire, probablement par réduction de la réabsorption tubulaire et sans lien avec un dysfonctionnement glomérulaire. Dans les essais cliniques, la fréquence de la protéinurie est généralement faible et, dans la plupart des cas, n'est pas plus élevée qu’avec un placebo.
Références
- Mach F et al. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J. 2020 Jan 1;41(1):111-188. doi: 10.1093/eurheartj/ehz455. Erratum in: Eur Heart J. 2020 Nov 21;41(44):4255. PMID: 31504418.